1. Comment encourager la professionnalisation alors même que les métiers ne sont pas reconnus ? Avons-nous besoin de métiers pour stimuler la professionnalisation ?

L’étude SOHP a mis en évidence les limites des infrastructures permettant de soutenir la professionnalisation dans l’humanitaire. Elle a également montré que si les humanitaires ont un fort sentiment d’appartenance au secteur, ils ne reconnaissent pas souvent les métiers qui le composent. Ce manque d’identification peut-il retarder la professionnalisation du secteur ? Ou cette professionnalisation peut-elle se faire sans formalisation des professions ? Dans les deux cas, que peut-on faire pour accélérer la professionnalisation ?

1. Faire simple

Les associations professionnelles ne doivent pas nécessairement être des organisations importantes, coûteuses ou complexes. Des progrès significatifs dans la professionnalisation pourraient être réalisés avec des organisations simples qui gèrent un ensemble de connaissances spécifiques et de certifications (les participants ont cité en exemple PM4NGO et la certification PMD).

2. Concentrer les ressources là où il est possible d’avoir le plus grand impact

La professionnalisation d’un secteur entier ne doit pas, et ne peut pas, se faire en une seule étape. Les initiatives de professionnalisation pourraient plutôt se concentrer sur les domaines professionnels où qualité et performance sont un enjeu fort. La redevabilité envers les personnes affectées et la prévention des abus de pouvoir doivent figurer parmi les premiers domaines d’intérêt.

La professionnalisation pourrait être considérée comme un moyen de stimuler la localisation. La création de mécanismes accessibles de développement professionnel et de certification dans des domaines professionnels traditionnellement dominés par le personnel international ou expatrié pourrait renverser l’équilibre ou le contrôle au profit du personnel local et national.

3. S’appuyer sur les infrastructures existantes

Les domaines professionnels bien établis (santé, droit, éducation et finances) bénéficient de fortes infrastructures de professionnalisation en dehors du secteur humanitaire. Les équivalents humanitaires de ces professions peuvent (et dans certains cas, le font) se connecter aux programmes de développement professionnel et aux certifications existantes. Si nécessaire, des qualifications supplémentaires pourraient être établies autour des compétences qui sont propres au travail humanitaire, ou particulièrement importantes. Cela aiderait également les professionnels à passer d’une profession humanitaire à une profession non humanitaire.

4. Envisager une profession « humanitaire » unique

Étant donné que les humanitaires semblent s’identifier plus fortement au travail humanitaire en général plutôt qu’à des domaines professionnels humanitaires spécifiques, il pourrait être plus simple d’établir des opportunités de développement professionnel et de certification pour ceux qui souhaitent être reconnus comme « professionnels de l’humanitaire » de façon générique. Certaines initiatives (telles que le Cadre des Compétences Humanitaires Essentielles) ont œuvré dans ce sens. La liste des compétences humanitaires spécifiques identifiées par SOHP pourrait être utilisée pour faire avancer ce travail.

5. Assurer l’inclusion et l’accessibilité

Il est important que le développement professionnel vers une certification reconnue ne soit pas élitiste ou discriminatoire. Les connaissances professionnelles doivent être ouvertes et accessibles. La certification doit pouvoir être obtenue tant par la pratique professionnelle que par la formation.

2. Comment mettre fin aux préjugés qui rendent le recrutement humanitaire moins efficace ?

L’étude SOHP a souligné que le système de recrutement dans l’humanitaire est problématique tant pour les organisations que pour les individus, en particulier pour les candidats sans expérience dans le secteur. Les résultats indiquent également que les recruteurs considèrent que l’expérience humanitaire est plus importante que la démonstration des compétences professionnelles. Ce parti pris en faveur de l’expérience humanitaire est-il justifié, ou crée-t-il un club fermé qui empêche l’entrée d’un flux de talents dans le secteur ? Les compétences requises sont-elles vraiment inaccessibles à ceux qui n’ont pas d’expérience ? Les participants à l’enquête ont également identifié d’autres formes de préjugés, de discrimination et même de népotisme. Tout cela limite-t-il la diversité au sein du secteur ? Comment mettre fin aux préjugés qui rendent le recrutement humanitaire moins efficace ?

1. Des informations plus claires et plus transparentes

Les offres d’emploi devraient être conçues de manière à attirer un éventail plus diversifié de candidats. Diffuser ces offres dans différents endroits, limiter l’utilisation de jargon et mettre l’accent sur les compétences plutôt que sur les expériences spécifiques pourraient faciliter le processus. Salaires et détails de la rémunération doivent être plus ouverts et transparents.

2. Anonymiser la première étape des processus de recrutement

Des candidatures où ne figurent pas d’informations susceptibles d’être utilisées à des fins discriminatoires (âge, handicap, genre, statut marital, grossesse ou parentalité, race, religion, orientation sexuelle) doivent devenir la pratique courante.

3. Adopter une approche fondée sur les compétences tout au long du cycle de vie du salarié

L’adoption d’une approche par compétences peut aider les individus et les organisations à être plus efficaces dans la gestion des savoirs, savoir-faire et savoir-être dont ils ont besoin. Les processus de recrutement et d’intégration, les échelles de rémunération et les systèmes de récompense peuvent tous être conçus en fonction des compétences. Cela favorise la transparence, la clarté, l’objectivité, une prise de décision basée sur des données, et l’équité.

4. Proposer des stages humanitaires collaboratifs

Dans plusieurs secteurs non humanitaires, des dispositifs de stage offrent aux candidats talentueux mais inexpérimentés une voie vers un certificat de compétence générale reconnu pour ce secteur de travail. Des programmes similaires ont été mis en place par certaines organisations humanitaires. Un dispositif de stages commun à l’ensemble du secteur humanitaire et aboutissant à une qualification reconnue constituerait un grand pas en avant.

5. Adopter une approche de conduite du changement

Encourager différents types de personnes à entrer dans « notre » secteur est un changement significatif qui mettra de nombreuses personnes mal à l’aise. Reconnaitre ces préoccupations, en discuter ouvertement et utiliser des techniques de conduite du changement peuvent aider à gagner le soutien des individus et à créer une dynamique.

6. Admettre nos propres préjugés et les combattre en connaissance de cause

Qu’il soit lié à l’expérience en entreprise ou à un manque d’éducation formelle, un préjugé est un préjugé. Nous sommes tous porteurs de préjugés conscients et inconscients. Pour lutter contre les préjugés, il est important d’avoir l’esprit plus ouvert et d’apprendre à connaître les personnes, les organisations et les secteurs que nous connaissons moins bien.

3. Comment s’assurer que les humanitaires ont les compétences nécessaires pour faire leur travail efficacement ? Et quels sont les risques encourus dans le cas contraire ?

Aujourd’hui plus que jamais, les humanitaires doivent fournir un travail répondant à des normes qui justifient l’investissement et garantissent la qualité et la redevabilité envers les personnes affectées. Comment être sûrs que les humanitaires ont les compétences nécessaires pour le faire ? L’étude SOHP a mis en évidence le manque de certifications dans le travail humanitaire. Les résultats suggèrent que la qualité est évaluée subjectivement et que le niveau de maîtrise est souvent mesuré en « années dans le secteur », indépendamment des performances réalisées pendant cette période. Pourquoi les organisations n’exigent-elles aucune certification de leur personnel ? Pourquoi est-il si difficile de s’entendre sur des référentiels de compétences ? Comment s’assurer que les humanitaires ont les savoirs, savoir-faire et savoir-être nécessaires ? Et quels sont les risques encourus dans le cas contraire ?

1. Accroître l’efficacité des processus RH

Des processus de recrutement, d’intégration et de gestion des performances inefficients peuvent sembler une perte de temps et d’énergie. Un personnel débordé peut donc être tenté de s’en affranchir. Cela peut conduire au recrutement ou à la fidélisation de personnes ne possédant pas les compétences requises. Dans certains cas, cela pourrait même entraîner de mauvaises performances, un abus de pouvoir ou un manque de redevabilité. Concevoir des systèmes de ressources humaines efficaces et efficients et les améliorer de manière continue peut contribuer à éliminer l’éventualité de tels problèmes.

2. Adopter, à l’échelle de l’organisation, une approche fondée sur les compétences

Pour être efficaces, les organisations doivent s’engager à utiliser une approche basée sur les compétences. Trois éléments clés sont essentiels à cet égard : a) Un leadership qui comprend les référentiels de compétences, leur valeur et leur utilisation. (b) Une équipe Ressources humaines habilitée à utiliser une approche par compétences tout au long du cycle de vie des employés. (c) Des responsables et un personnel formés, soutenus et mandatés pour utiliser cette approche.

3. Contextualiser les référentiels de compétences

Les référentiels de compétences adaptés au contexte opérationnel sont plus utiles et davantage susceptibles d’être utilisés. L’implication des équipes locales dans la conception ou la contextualisation des référentiels de compétences augmentera leur appropriation et garantira que les savoirs, savoir-faire et savoir-être spécifiques à un contexte donné sont inclus. Cela peut également contribuer à encourager la localisation.

4. Comment favoriser la localisation du personnel humanitaire ?

La localisation est souvent vantée, mais elle est lente à se concrétiser. Pour les organisations internationales, l’organisation du personnel s’articule souvent autour d’un système de fonctions « internationales » et « nationales ». Ce système freine t-il la progression des personnels nationaux talentueux ? Encourage-t-il les talents à quitter leur propre pays pour une plus grande reconnaissance en tant qu’expatriés ? L’étude SOHP a montré que la pandémie de la Covid-19 a provoqué le départ des terrains de nombreux personnels internationaux, ce qui soulève des questions sur la valeur de leur présence et de leur rôle. Quelles sont exactement les compétences des candidats internationaux que les candidats nationaux n’ont pas ? Pourquoi ne peut-on les rendre explicites et les intégrer dans les parcours de développement professionnel ? Comment favoriser la localisation du personnel humanitaire ?

1. Remettre en cause l’aversion au risque

Pour réaliser les changements de pouvoir nécessaires à la localisation, les organisations doivent être plus ouvertes à l’expérimentation de différentes structures et différents modèles de gestion du travail et des relations. Elles doivent envisager de discuter avec les bailleurs de leur engagement en faveur de la localisation et évaluer ouvertement les risques associés à de nouvelles méthodes de travail. La perception du
risque lié au changement, combinée au confort d’utiliser des modèles existants, sont deux obstacles à la localisation. Les changements adoptés et les enseignements tirés de la pandémie de la Covid-19 offrent des possibilités pour remodeler la structure et la répartition des responsabilités au sein des organisations. Il est important que ces leçons soient traduites en actions.

2. Se concentrer sur les compétences et la fonction, et non sur le statut ou les titres administratifs

Mettre l’accent et utiliser plus fréquemment un langage lié aux responsabilités d’une fonction et aux compétences requises pour tel ou tel travail peut contribuer à la localisation. Les étiquettes administratives telles que «national» et «international», ainsi que leurs implications en termes de statut, sont des obstacles au changement.

3. Valoriser l’expertise locale

Les organisations doivent accorder une plus grande importance aux connaissances contextuelles et aux compétences permettant de travailler efficacement dans des contextes divers. Cela doit être rendu explicite dans le recrutement et la rémunération. Le personnel local, qui comprend l’importance de cette expertise, doit être inclus dans les jurys de recrutement, tant pour les postes nationaux que pour ceux des sièges.

4. Utiliser les compétences pour être transparent sur la nécessité de postes internationaux

Dans certaines circonstances, il est utile de faire appel à du personnel externe possédant des compétences spécifiques. Dans ces cas, les organisations doivent définir les compétences requises et expliquer pourquoi elles ne peuvent être obtenues localement. Dans le même temps, les organisations doivent mettre en œuvre des activités visant à aider le personnel local à développer les compétences manquantes. Le recrutement de personnel international doit être considéré comme une option temporaire, jusqu’à ce que les compétences soient développées parmi les autres personnels. Les fonctions du personnel international devraient être orientées vers l’accompagnement des autres, plutôt que vers l’exécution des tâches.

5. Décentraliser les programmes d’apprentissage

Plutôt que des programmes d’apprentissage développés et « imposés » aux bureaux nationaux par les équipes des sièges, c’est aux équipes opérationnelles qu’il devrait revenir de définir leurs propres besoins et de demander un soutien adapté pour y répondre. Il peut s’agir de mentorat, de soutien pratique, de partage des connaissances ou de programmes d’apprentissage informels, comme de formations. En outre, les organisations devraient promouvoir l’apprentissage par les pairs entre pays et régions plutôt que de dépendre entièrement de ressources centralisées.

Prochaines étapes

Au cours de la conférence, le public a été interrogé sur la valeur de l’étude et sur l’opportunité de poursuivre le travail. 95% des personnes interrogées ont déclaré que le travail entamé par l’étude SOHP devait être poursuivi.

Lorsqu’il leur a été demandé leur avis sur la manière de faire avancer les travaux :

  • 85% des répondants ont approuvé le concept d’un observatoire
    permanent des métiers humanitaires, et
  • 45% des répondants ont validé l’idée de réitérer l’étude tous les
    3 à 5 ans.

Quant à savoir comment l’étude SOHP pourrait être améliorée, les participants ont recommandé une plus grande implication des bailleurs humanitaires et du secteur privé, et surtout une plus grande implication des acteurs locaux et nationaux. Encore plus précisément, plusieurs répondants suggèrent que les résultats soient désagrégés et présentés sous l’angle du genre, ce qui a également été suggéré sur le chat de la conférence.

Les participants à la conférence proposent que des réseaux soient mis en place afin de diffuser les résultats et les recommandations. Ils ont souligné l’importance de la mise en œuvre de ces recommandations par les acteurs humanitaires et la nécessité d’évaluer leur adoption.

THE STATE OF HUMANITARIAN PROFESSIONS

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