Grâce à ce titre, je me sens maintenant pleinement légitime dans la gestion de projets, tous mes savoirs sont reconnus
Ali Abdelrahman, soudanais, coordinateur de projet pour Triangle Génération Humanitaire en République Centrafricaine
Comment avez-vous connu l’existence de la VAE ?
J’ai rencontré, en République Centrafricaine, des personnes qui ont suivi une formation Bioforce en logistique et en coordination de projet. Je leur ai posé des questions pour savoir comment je pouvais suivre cette formation en France. Ils m’ont répondu qu’avec mon expérience, je pouvais passer directement par la Validation des Acquis de l’Expérience. Je me suis alors renseigné sur le site internet de Bioforce et me suis inscrit au centre de Bobo Dioulasso en 2011.
Quel changement va apporter la VAE dans votre parcours ?
Grâce à ce titre, je me sens maintenant pleinement légitime dans la gestion de projets, tous mes savoirs sont reconnus. Je pourrais peut-être évoluer et passer de coordinateur de projets à chef de mission. Actuellement je remplace le chef de mission par intérim, j’espère que ce titre me permettra d’accéder plus vite à ce genre d’emploi dans mon ONG.
Votre employeur a-t-il soutenu votre démarche ? Oui, Triangle Génération Humanitaire m’a vraiment encouragé à faire une VAE. Cette démarche, selon eux, allait me permettre d’avancer, de progresser. Ils ont également demandé à Bioforce de me positionner sur un jury en France. Mon billet d’avion a été pris en charge par mon ONG ainsi que le logement, et les démarches pour l’obtention du visa ont été facilitées. Ce déplacement en France m’a du coup permis de venir au siège de Triangle et de travailler avec le référent technique, le responsable de mission et le chargé de programme.
Comment avez-vous aménagé votre temps pour rédiger le dossier 2 ?
Tous les 3 mois, j’ai une semaine de repos : à chaque fois j’en ai profité pour réfléchir à ce que j’allais écrire, chercher des documents que j’avais produits ou des cours que j’avais pu suivre. Je travaillais également le soir et le week-end.
Comment avez-vous rédigé votre dossier 2 ?
J’ai fait le lien entre tous les cours théoriques que j’ai pu suivre avec Solidarités International et Triangle GH et mon expérience de terrain. Solidarités International m’avait formé à la gestion du cycle de projet, et Triangle à la gestion logistique, administrative et la finance. Le chargé de programme en République Centrafricaine nous apporte souvent de la documentation. J’avais ainsi de la matière pour débuter mon travail. Pour sortir uniquement les points clés d’une compétence, je listais toutes mes tâches et faisais le lien avec le référentiel métier du Coordinateur de Projet de la Solidarité Internationale développé par Bioforce. Un collègue de travail relisait mon dossier et j’ai été accompagné par Brigitte Lezeau de l’Institut Bioforce.
Comment s’est passé cet accompagnement ?
Cet accompagnement a été pris en charge par la Région Rhône-Alpes. Brigitte s’est assurée que j’avais bien compris les différentes parties du dossier 2 ainsi que les neufs champs de compétences professionnelles. Les entretiens avec Brigitte m’orientaient et permettaient de me limiter dans le descriptif de mes expériences. Ces entretiens étaient très utiles, sans cela je ne m’en serais pas tenu à l’essentiel. J’ai gagné beaucoup de temps, l’accompagnement m’a permis de savoir comment rédiger, être plus synthétique et ne pas faire de hors sujet. Il n’est pas facile de comprendre la manière dont il faut rédiger, de différencier ce qui est important de ce qui ne l’est pas. Au début je pensais écrire un dossier de 700 pages en narrant toute mon expérience, mais progressivement j’ai appris à être plus concis. Les conseils personnalisés m’ont beaucoup aidé.
Quelles difficultés avez-vous rencontré ?
La plus grande difficulté a été de travailler en français, je viens d’un pays anglophone et craignais de ne pas avoir la capacité d’écrire en français. Brigitte m’a encouragé en me disant que mon dossier était tout à fait compréhensible, j’ai donc poursuivi mes efforts et réussi à écrire entièrement en français. L’autre difficulté rencontrée était de me souvenir de toutes mes expériences, c’est un gros travail de mémoire pas toujours évident sans support écrit. Lorsque j’étais au Soudan, notre mission a été expulsée du terrain et des ordinateurs nous ont été confisqués, j’ai donc perdu beaucoup d’informations écrites et le travail de mémoire n’a pas été facile sur cette période-là. Je me suis principalement concentré sur mon expérience depuis 2005.
Avez-vous des conseils à donner aux candidats ?
Il est nécessaire de bien anticiper le travail rédactionnel et de récolter le maximum de documents écrits. Je ne pense pas que le travail de mémoire soit suffisant, il faut se baser sur des éléments concrets comme des « proposals » par exemple. J’ai également été coordinateur technique et je me rends compte que ce poste ne couvre pas tous les champs de compétence d’un coordinateur de projet Bioforce. Il faut donc que le candidat ait une solide expérience en coordination de projets de façon globale. Il doit avoir suivi une mission du début à la fin s’il veut valider le titre de Bioforce. N’avoir travaillé que sur des ouvertures de mission ou n’avoir participé qu’à quelques étapes ne suffira pas.
Ali a finalement remis son dossier aux membres du jury en 2012 : son expérience a été validée lors de la commission de décembre à Paris, avec un jury conquis par la qualité de son travail et la force de son engagement. Ali est désormais titulaire du titre de niveau 1 de Coordinateur de Projet de la Solidarité Internationale.
« Dans un premier temps, ma mission a consisté à monter deux plateformes logistiques à destination de tous les humanitaires pour approvisionner les camps de réfugiés de façon optimale, puisqu’on a des freins logistiques dans ce pays-là et qu’il y a un énorme volume de distribution à organiser.
C’est un contexte où le gouvernement bangladais est très fort, veut maîtriser cette crise, donc il a été très difficile d’avoir toutes les autorisations, mais aussi de se faire connaître des autres ONG puisqu’il n’y a pas un système de coordination efficace. C’est dû au fait qu’il y a un vide juridique dans lequel se trouvent les Rohingyas. Ils ne sont ni réfugiés, car sans nationalité, ni déplacés, parce qu’ils n’étaient pas au Bangladesh avant. Donc ce vide a donné un vide d’organisations humanitaires, compliquant considérablement les projets. »